« Non, impossible », « Certainement pas », « C’est totalement absurde » : telles sont les réactions des membres du Parti conservateur lorsque Neville Chamberlain propose en mai 1940 de nommer Winston Churchill comme Premier ministre anglais, arguant qu’il est le seul candidat que le Parti travailliste mené par Clement Attlee puisse accepter.
Malgré les réserves du Parti conservateur, c’est bien Churchill qui sera désigné Premier ministre en ces heures sombres de conflit international. Si Churchill parvient à convaincre la chambre des députés de préférer la lutte acharnée contre le fascisme à des négociations de paix avec l’Allemagne via les diplomates italiens, c’est Gary Oldman qui range le spectateur de son côté.
Comme le dit si bien Lord Halifax, membre du Parti conservateur et partisan des pourparlers, à un autre membre du parti qui semble étonné de voir la chambre des députés décider d’acclamer le discours de Churchill en faveur de la guerre, « Il a mobilisé la langue anglaise et l’a envoyée au combat ». Les Heures sombres, ce n’est pas seulement le tableau d’une époque et d’une figure politique qui s’y est illustrée, c’est aussi la démonstration du pouvoir qu’ont les mots quand on les met dans la bouche d’un orateur talentueux, capable d’unifier les partis et de les rallier à sa cause qui semble pourtant perdue d’avance, le propre parti de Churchill étant au départ opposé à l’idée de se battre, mais bien forcé de l’accepter quand il est mis face à l’ovation que reçoit Churchill dans la chambre des députés.
Joe Wright, en choisissant de finir son film sur un long plan sur Churchill acclamé par la chambre, semble mettre l’accent sur le pouvoir et l’influence que peut avoir un simple discours. Ce n’est d’ailleurs sûrement pas par hasard que l’on voit sans cesse Churchill en train d’écrire, de retoucher et de dicter ses discours à sa secrétaire (Lily James), au rôle bien superflu dans l’intrigue, mais qui révèle l’importance donnée aux mots et aux discours dans ce drame. Joe Wright, dans son biopic historique, présente Churchill comme un personnage haut en couleur, grandiloquent et surtout grand orateur, Gary Oldman déclamant avec verve et passion deux célèbres discours de Churchill, « Du sang, du labeur, des larmes et de la sueur » et « Nous nous battrons sur les plages ».
On peut saluer la performance vibrante de l’acteur qui sera d’ailleurs récompensée, puisqu’il obtiendra l’Oscar du meilleur acteur en 2018. Politicien excentrique, Churchill est aussi présenté comme un ingénieux alcoolique, à l’origine de l’opération Dynamo initiée le 26 mai 1940, qui consiste à réquisitionner tous les navires civils sur la côte anglaise pour voler (par la voie maritime) au secours des forces militaires anglaises et française bloquées à Dunkerque par l’armée allemande.
Malgré quelques erreurs historiques, comme l’exagération du nombre de morts lors du siège de Calais où 300 soldats mourront, c’est-à-dire 3700 de moins que les 4000 annoncés, Joe Wright parvient à faire, à travers le portrait de Churchill, celui d’une époque où règne l’incertitude, la peur, et où chaque décision prise en petit comité dans une salle à peine plus grande a de lourdes conséquences, comme le choix de sacrifier les « 4000 » soldats à Calais de façon à faire diversion pour sauver ceux encerclés à Dunkerque.
Par Clémentine Jouet
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